Laurent Gounelle, 46 ans, est un spécialiste du développement personnel, formé aux sciences
humaines et à l’épistémologie à l’université de Californie de Santa Cruz. Conférencier à l’université de Clermont-Ferrand, il se consacre aujourd’hui essentiellement à l’écriture de
romans.
J’avais déjà eu le plaisir de m’entretenir avec Laurent Gounelle lors de la parution de son premier livre
« l’homme qui voulait être heureux ». Un ouvrage exceptionnel que je conseille toujours à mes patients lorsqu’ils cherchent à donner un sens à leur vie. Laurent a écrit depuis,
non seulement, un deuxième ouvrage « Les Dieux voyagent toujours incognito » (C’est l’histoire d’un homme qui se retrouve contraint de faire ce qu’il n’aurait jamais
osé entreprendre mais dont il rêvait secrètement) mais un troisième roman qui vient de paraître dans une co-édition Plon et Kero (2012) et qui s’intitule « Le philosophe
qui n’était pas sage ».
Il s’agit d’une aventure, dans la lignée des ouvrages précédents : un mélange harmonieux de roman, de développement personnel et de philosophie compréhensible par tous. L’auteur se sert de cette histoire de manipulation d’un peuple par des hommes venus de la «civilisation», pour nous proposer une parabole en forme de critique de notre société actuelle.
Alain Giraud : Pourquoi avoir écrit ce troisième livre sous forme de roman ?
Laurent Gounelle : Je crois au pouvoir métaphorique des histoires. Les concepts et les théories m’intéressent quand ils s’inscrivent dans la vie. Mes idées se glissent dans la vie de mes personnages… L’histoire se déroule à l’autre bout du monde, et pourtant c’est une histoire sur nous, notre société, cette société qui a façonné malgré nous nos esprits et nos habitudes de vie. J’avais envie d’inviter chacun de nous à une prise de conscience, et oser la question : est-ce vraiment ce que nous voulons ?
AG : Sandro, le héros de votre roman, part en Amazonie pour inculquer à une tribu sauvage des principes comme la jalousie ou l’individualisme. Pourquoi ?
LG : Sandro croît ces gens responsables de la mort de sa femme, une journaliste partie sur place pour faire un reportage sur ce peuple connu pour être le plus épanoui de la terre. C’est pour lui insupportable de savoir que ceux qui ont brisé sa vie demeurent des gens heureux. Obnubilé par le désir de vengeance, il veut les rendre malheureux. Il va dans ce but leur inculquer un mode de vie et de pensée qui, progressivement, va s’avérer ressembler étrangement au nôtre…
AG : Pourquoi cette histoire se déroule-t-elle en Amazonie ? Etait-ce simplement pour y mettre une pointe d’exotisme ?
LG : L’Amazonie est l’un des seuls endroits sur terre où il existe encore des peuples n’ayant eu aucun contact avec le monde dit civilisé. Je voulais que l’histoire se déroule dans un tel contexte, qui offre un contraste saisissant avec celui dans lequel nous vivons. Mon but était, à travers cette histoire, d’écrire sur nous, notre culture, notre modèle de société. Quand on a toujours vécu en France ou un autre pays occidental, on n’a pas conscience de notre propre culture et de ce qu’elle induit en nous. On baigne dedans depuis notre naissance, et on peut donc difficilement remettre en question notre façon de vivre, notre manière de penser, de nous comporter, puisqu’on n’en est pas conscients.
AG : Cette tribu amazonienne si bien décrite dans votre ouvrage est-elle utopique ?
LG : C’est un peu une synthèse de différentes ethnies que comporte l’Amazonie. Ces gens ont en commun une même vision de la vie, faite de liens entre les hommes et avec la nature. Nous nous sentons quant à nous séparés : séparés de la nature, ce qui explique notre tendance à l’exploiter et même la détruire sans vergogne ; séparés des autres, ce qui induit une attitude de type « chacun pour soi ».
Je me souviens avoir séjourné dans un camp avec des indiens et des occidentaux. Un jour, un vol a été commis, vraisemblablement par l’un d’entre nous. La réaction incrédule d’un indien a été de dire : « Mais pourquoi cet homme se serait-il fait ça à lui-même ? ». Aujourd’hui, en détruisant la nature, l’homme ne se rend pas compte qu’il est en train de détruire l’humanité.
AG : vous faites un lien entre cette séparation et la peur, émotion à l’origine de beaucoup de nos problèmes…
LG : Pour moi, la peur de l’autre provient de ce sentiment de séparation, ou plutôt de cette illusion de séparation qui nous caractérise en occident. C’est la raison pour laquelle je suis convaincu que l’amour est le meilleur antidote de la peur : l’amour recrée le lien que nous refusons de voir. Quand on parvient à aimer l’autre, on sent quelque chose qui nous connecte à lui, qui nous rapproche. Plus on vit dans un état d’amour, moins on ressent de la peur.
AG : Au fil des pages, la violence apparaît suite à l’influence de Sandro sur le mode de vie des indiens. Quelle est votre vision de l’explosion de la violence dans nos sociétés ?
LG : Dans notre pays, je vois la violence comme le produit de la conjonction de multiples facteurs : l’individualisme exacerbé dans tous les domaines, où chacun gère son intérêt coûte que coûte, même au mépris de celui des autres ; l’illusion, véhiculée notamment par la publicité, que c’est en assouvissant tous nos désirs et toutes nos pulsions que l’on sera heureux ; la suppression de la censure sur les films et jeux vidéo qui banalise la violence comme n’importe quel événement normal du quotidien. Quand j’étais gamin, il fallait être majeur pour voir certains films. Aujourd’hui, les enfants assistent quotidiennement à la télé à des scènes de grande violence que leurs parents n’identifient même plus comme telles. Des adolescents passent plusieurs heures chaque jour à tuer des gens dans des jeux vidéo au réalisme saisissant. Ainsi, les jeunes ultra-violents dont on parle dans certaines banlieues trouvent normal de tuer ou de violer pour assouvir sans attendre leurs envies de consommation ou de plaisir. Ecoutez les paroles violentes de certains rappeurs : vous entendrez la volonté affichée « d’avoir tout et tout de suite »…
AG : Dans votre livre que j’ai lu avec beaucoup d’attention, on assiste à une scène de guérison par une jeune chamane. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
LG : Les indiens apportent le plus grand soin à la préservation des équilibres et de l’harmonie. Ils perçoivent la maladie comme la résultante d’un déséquilibre. Dès lors, le chaman qui intervient comme un guérisseur va tenter de rétablir l’équilibre perdu, pour que la personne retrouve la santé. En occident, quand quelqu’un est malade, on déclare la guerre aux bactéries, virus ou microbes présents dans son organisme. La voie de la guérison est vue comme une bataille, une lutte armée. Par exemple, dans ce combat, les antibiotiques sont une bombe atomique qui détruit plus d’innocents que de coupables, à commencer par les innombrables bactéries de notre flore intestinale dont on a pourtant grand besoin…
AG : Cette jeune chamane, Elianta, va pourtant tenter de contrecarrer le projet diabolique de Sandro…
LG :Elianta tente de résister pour sauver son peuple. C’est une jeune femme qui vit à moitié nue dans la jungle, et se comporte en philosophe. Face à elle, Sandro, est un jeune professeur de philosophie à l’Université de New York. Mais ses connaissances sont purement théoriques, mentales. Il n’a de philosophe que le titre… Leur rencontre est une confrontation entre deux mondes, deux univers. Et c’est aussi une rencontre entre un homme et une femme.
AG : Entre nous comment voyez-vous l’avenir de notre société ?
On assiste simultanément à une involution et une évolution. Dans certains quartiers, les gens vivent sous le joug de chefs de bandes qui violent, tuent et imposent leur loi comme les seigneurs au moyen-âge. Mais par ailleurs on assiste à une évolution des consciences. De plus en plus de gens consomment « bio », non seulement pour préserver leur santé, mais aussi par respect de la nature et de l’avenir de la terre. Je vois des gens renoncer volontairement à des vacances lointaines ou à des voitures polluantes alors qu’ils en auraient les moyens financiers. Je vois autour de moi se multiplier des actes gratuits, de gentillesse, de générosité. Je suis optimiste : je veux croire que c’est ce mouvement-là qui prendra l’ascendant…
Pour clore ce débat, je vous ferais cette confidence : c’est toujours pour moi un moment de vrai bonheur quand je m’isole dans le tumulte de la vie avec un livre écrit par Laurent Gounelle. Un instant présent exceptionnel que je vous invite à vivre et à découvrir comme cet internaute qui a laissé son commentaire : « je viens juste de finir " le philosophe qui n'était pas sage" ! Merci Laurent de permettre à chacun, par ces trois romans, de se nourrir de mots qui mis les uns avec les autres, nous transportent vers le "bon-heure" ! L'instant où tout se rejoint en un ! L'harmonie, l'équilibre dans l'impermanence du temps. La dernière phrase du livre est un beau clin d'œil à la vie ! »
Confidence pour confidence : Laurent Gounelle a pour projet de porter au grand écran « Les Dieux voyagent toujours incognito ». Le scénario est en cours de réalisation. Voilà un film d’auteur très prometteur. Un quatrième livre est en préparation… Mais chut c’est secret !
Photo :« Le philosophe qui n’était pas sage une co-édition Plon et Kero (2012)
www.laurentgounelle.fr
Écrire commentaire